Patick Sibilli, association Jazz Pourpre

Patick Sibilli, association Jazz Pourpre

23 novembre 2020 Et maintenant c'est quoi le plan ? 0

Bonjour, Patrick Sibilli, vous êtes le président de Blues Pourpre. Est-ce que vous pouvez nous présenter rapidement l’association et ses missions ?

L’association Blues pourpre a été créée à la fin de l’année 2016, sur un coup de tête. Je fais du blues depuis une trentaine d’années et en revenant d’un festival ami, nous est venu l’idée de faire un festival dans le petit village à Queyssac, où nous habitons, à 9 km de Bergerac. […] L’objectif était d’organiser des concerts de blues régulièrement sur le Bergeracois, voir un peu plus loin,  et surtout d’organiser un festival estival qui a lieu tous les ans depuis 2017 tous les premiers weekends de juillet. Ce devait être la quatrième édition cette année en 2020. Elle a malheureusement été annulée, on sait pourquoi, donc on espère que 2021 sera plus favorable.

Plus précisément concernant ces questions d’annulation, le secteur culturel dans son ensemble est fortement impacté.  Des lieux ferment, des concerts, des festivals sont annulés. Comment est-ce vous avez vécu cette situation,  l’annulation du festival et peut-être d’autres dates ?

Et bien on l’a très mal vécu, parce que ce festival c’est une année de préparation. La première année, sur un festival d’un soir, on avait accueilli 700 personnes. L’an dernier au mois de juillet, sur les deux soirées, on en a accueilli plus de 1500. C’est beaucoup de travail. Ce sont 65 bénévoles qui œuvrent pendant une partie de l’année à la préparation et surtout les soirs du festival. Et il y a la préparation en amont, pour contacter les groupes, trouver des partenaires, organiser ça au mieux et dans le respect des normes environnementales. On essaie de faire beaucoup de bio (viande et légumes). Tout ce qui est fait sur la restauration et au niveau des boissons (y compris les bières) tout est local. 

C’est un gros travail de préparation en amont, tout était prêt et bien évidemment, il a fallu qu’on annule parce que les conditions imposées par le par la préfecture étaient drastiques et c’était beaucoup trop risqué.

Oui, d’ailleurs concernant les contraintes imposées : la distanciation, le port du masque, la nécessité de se tenir assis … Comment est-ce que vous les envisagez au regard de votre activité qui est justement de proposer des concerts ?

C’est vraiment difficile. On a annulé pratiquement tout ce qu’on avait. On avait un concert au mois de mai, organisé en collaboration avec Le Rocksane justement. Bien évidemment on a été obligé d’annuler. On l’a reporté pensant que la pandémie allait se calmer et qu’on aurait la possibilité de repartir de plus belle à la fin de l’année. Il a été reporté au 12 décembre et on a bien peur que cela soit encore extrêmement difficile. 

Nous nous sommes entretenus de nombreuses fois à ce sujet avec Patrick (Vachia) le directeur du Rocksane pour savoir s’il fallait annuler ou repousser la date. Nous avions décidé de repousser, d’essayer de le faire quand même. Aussi parce que tout le monde a été un peu sec cette année sur les concerts.

La difficulté, c’est que la préfecture nous a imposé de réduire la jauge de 480 places debout à 130 places assises, avec distanciation d’ un  mètre entre chaque chaise, port du masque obligatoire et surtout absence de bar. Une jauge réduite à 25 % par rapport à d’habitude au Rocksane, sans le bar, financièrement ça devient extrêmement périlleux.

Concernant plus largement la fermeture des lieux, la mise à l’arrêt de l’activité des associations, si je prends le cas de Blues Pourpre, quels risques particuliers voyez-vous dans le fait de devoir interrompre sur une période relativement longue vos activités ?

Financièrement, à partir du moment où on n’organise rien, on ne prend pas de risques. Par contre, et c’est un autre risque, j’ai un peu peur de perdre notre public et d’avoir du mal, au moment de relancer la machine, de faire revenir les gens. 

Alors bon, il semblerait quand même que les gens sont extrêmement friands, et sont en demande très forte de concerts, de spectacles, de cinéma, de théâtre, donc on espère pouvoir rebondir sans problème. On espère également pouvoir maintenir ce concert du 12 décembre, même avec 130 personnes assises et sans bar. On a pris l’option de le proposer quand même, malgré le risque financier. Pour nous il est important qu’en 2020 on ait au moins un concert organisé par Blues Pourpre et je pense que c’est la même chose pour le Rocksane.

Tu dis, les gens sont friands de propositions culturelles. On s’est rendu compte que finalement sur la période, le choix n’avait pas été fait de maintenir ouvertes les structures culturelles. Sont-elles essentielles ou non, ces  propositions culturelles ?

À titre personnel, et je ne parle pas pour l’ensemble de l’association, je trouve qu’on n’a pas beaucoup entendu parlé de la culture, il faut quand même être très honnête. On entend beaucoup parler des entreprises, du chômage partiel, ce qui est très bien, je ne discute pas le bien fondé du discours, mais on a véritablement l’impression, et tout le monde s’accorde à le dire, que la culture a été la grande oubliée de la période depuis le mois de mars.

On voit bien ce qui s’est passé avec les cinémas, avec le théâtre, avec les salles de spectacle. J’ai eu la chance de pouvoir faire personnellement en tant que musicien 

 quelques concerts en Juillet, août et septembre, mais avec des jauges extrêmement réduites. C’est compliqué pour nous, organisateurs, mais je dirais que de notre côté c’est un moindre mal. Nous sommes des associations à but non lucratif. C’est beaucoup plus ennuyeux pour les artistes, pour les intermittents du spectacle, les techniciens, les éclairagistes, tous les gens avec qui on travaille toute l’année. Là par contre, on se dit qu’on est quand même les grands oubliés des mesures qui sont prises.

Je vais enfoncer une porte ouverte, mais je pense que c’est important de temps en temps de le rappeler. J’ai habité 50 ans en région parisienne et quand je vois les images aujourd’hui du métro ou du RER et des magasins qui sont malgré tout bien remplis je me dis qu’on aurait pu, même avec des jauges réduites, laisser la possibilité aux gens de venir dans les salles de concert, les salles de spectacle ou de cinéma. Même en y prenant des mesures sanitaires nécessaires et drastiques, on aurait dû laisser fonctionner ce système culturel qui, si je ne m’abuse, rapporte sept fois ce que rapporte l’industrie automobile en France. C’est quand même incroyable que financièrement ça n’intéresse pas nos gouvernants !

Pour finir avec un questionnement peut-être plus général, on a beaucoup parlé de “monde d’après”. Si tenté qu’il existe, à quoi faudrait-il (ou ne faudrait-il pas) qu’il ressemble ?

Pour moi c’est très clair, en tant que président de l’association, organisateur de concert et festival et programmateur, le monde d’après c’est revenir au monde d’avant.

Sauf si les conditions sanitaires ne nous le permettaient pas, mais il n’est pas question de déroger à ce qu’on a fait jusqu’à présent, c’est-à-dire proposer des artistes et accueillir public. Faire plaisir aux gens, faire plaisir aux artistes et nous faire plaisir. 

Je vois mal comment on pourrait envisager la suite autrement. Moi je vois pas un monde d’après différent du monde d’avant, mais peut-être que je me trompe et l’avenir nous le dira si je me trompe ou si j’ai raison.

– Patrick Sibilli pour l’Association Blues Pourpre –

Interview réalisée le 20/11/2020

par A. Hoppenreys (association Overlook / Le Rocksane)

Et maintenant c’est quoi le plan : Série d’Interviews réalisée par l’association Overlook auprès des acteurs culturels du grand Bergeracois. À lire et à écouter au fil des jours sur www.rocksane.com.

Liens vers le Blues Pourpre

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