A. Boisvert et G. Bonnaire, Collectif Les Ploucs

A. Boisvert et G. Bonnaire, Collectif Les Ploucs

26 novembre 2020 Et maintenant c'est quoi le plan ? 0

Bonjour Anna, bonjour Gaëtan, vous êtes tous deux coprésidents du Collectif Les Ploucs. Est-ce que vous pouvez nous parler de l’association et vos activités ?

Gaétan : Nous sommes président du collectif des Ploucs, une association loi 1901 qui diffuse la culture en milieu rural en fédérant les acteurs locaux autour d’événements festifs intergénérationnels. Nous sommes 20 bénévoles à l’année et 150 bénévoles sur le festival des Ploucs. Nous organisons aussi un second événement , le Jazz et Saussignac avec deux autres associations, Par Tout Art Tisse et le Syndicat des Vins de Saussignac.

Anna :  Le Festival des Ploucs c’est chaque année le premier weekend de juillet et en moyenne, sur les dernières années, on accueille 2500 festivaliers le samedi soir. C’est un festival de musique, théâtre, art de rue et qui se veut familial. Notre gros objectif c’est que tout le monde puisse venir au festival : il y a des ateliers pour les enfants, un petit espace guinguette. À côté de ça, on est en lien toute l’année avec les associations des coteaux de Saussignac. On participe par exemple au marché de Noël, et à d’autres petits événements sur lesquels on vient prêter main-forte en termes de logistique ou de bénévoles. On essaie de vivre un peu un peu toute l’année.

Justement concernant l’organisation d’événements cette année, c’est compliqué. Des lieux culturels fermés, des associations qui cessent leur activité … Comment est-ce que vous vivez et comment avez-vous vécu cette situation particulière ?

Anna : Pour nous 2020 c’est l’ annulation de nos deux événements. La soirée jazz et Saussignac devait avoir lieu fin mai, tout juste à la sortie du premier confinement. Mais nous avons décidé pendant le confinement de l’annuler, parce qu’au niveau de l’organisation ce n’était pas possible.

Nous avons eu une petite vague d’espoir de pouvoir maintenir le festival des ploucs, mais l’organisation nous demande une grosse grosse logistique, des réservations, etc. Nous avons préféré annuler avant d’avoir des frais engagés, n’étant pas certains de pouvoir faire l’événement. Sachant aussi que nous devions fêter les 25 ans des Ploucs et que nous avions à cœur de faire une grosse fête et de vraiment mettre le paquet. Nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas sereinement organiser l’événement, en tout cas pas dans les conditions que l’on pouvait espérer donc on a préféré annuler.

On nous a demandé pourquoi nous ne l’avions pas reporté un peu plus tard dans l’été ou en début d’automne, mais pour nous ce n’était pas envisageable. Historiquement, il se déroule le premier weekend de juillet. C’est ancré dans l’esprit des gens. Il y a les habitants, les locaux qui viennent au festival, mais il y a aussi beaucoup de gens extérieurs et c’était trop incertain pour nous de le décaler. Et puis, nous sommes nous-mêmes tous bénévoles et sur le plan professionnel, nous n’étions pas forcément disponibles pour mettre en place cet événement à un autre moment.

Au bilan, 2020 c’est c’est 8 à 9 mois d’organisation qui partent en fumée d’un coup. On est une association 100% bénévole donc sans salarié. Cela n’a pas d’impact financier direct puisqu’on a annulé nos événements avant même d’engager des frais, mais par contre ça impacte les prestataires avec qui nous fonctionnons depuis plusieurs années.

Nous travaillons avec des petits producteurs locaux, en production bio ou raisonnée. Pour eux le festival représente un gros chiffre d’affaires et aussi un moyen de promouvoir leurs produits.L’impact se répercute aussi sur l’économie locale.

Mais au-delà de l’aspect financier, c’est surtout un impact moral et humain. Pas seulement pour l’association, surtout pour les habitants et les habitués du festival qui attendent ça chaque année. C’est l’événement qui lance l’été, le début des grandes vacances pour les jeunes. Et puis c’est une grosse, grosse fête de village où tout le monde se retrouve. On n’a pas eu ça cette année et oui ça a manqué à beaucoup de monde.

Vous étiez aussi, je crois, sur le point de proposer quelque chose sur la période hivernale en décembre. A priori, ça semble être compliqué. Qu’est-ce que vous imaginiez en termes de possibilité et quelles contraintes cela pose-t-il d’organiser un événement dans ces conditions-là ?

Gaetan : Effectivement nous voulions organiser quelque chose le 19 décembre, pas le festival, mais un autre événement. On s’est mis au travail, on s’est réunis, on a fait des réunions entre les deux confinements. Finalement nous avons décidé de l’annuler. Nos propositions sont en extérieur, on part d’un champ, d’un terrain, d’une cour d’un château. Bref, on part de rien du tout pour proposer un événement d’envergure. Sur le jazz nous accueillons 500 personnes, 2500 sur les Ploucs en moyenne. À l’heure actuelle, avec ce qui se passe sur le plan sanitaire, organiser un événement fidèle à ce que l’on propose habituellement nous paraît compliqué .

On paye des prestataires pour la scène, on paye des artistes et on ne veut pas faire une entrée à 20 €, pour que l’événement ait lieu avec moins de monde. Nous voulons que ça reste accessible aux familles, que ce soit une fête pour tout le monde, peu importe le milieu social. C’est compliqué, on est en train de réfléchir. On a déjà les dossiers de subvention qui arrivent pour l’année prochaine, à rendre avant la fin du mois.

Pour le moment nous travaillons comme si en mai ça allait repartir, qu’on allait pouvoir faire « notre Jazz », et « notre Plouc » en juillet. C’est compliqué de se réunir pour trouver des solutions. On ne nous en apporte pas beaucoup non plus, nous sommes toujours un peu dans le flou. On pas envie d’être à l’origine d’un cluster, mais on aimerait créer un événement, parce que nous sommes toujours là et toujours motivés. On cherche des solutions, on cherche comment faire, il n’y a rien de précis, mais c’est en cours de réflexion.

Vous devez stopper vos activités sur une période relativement longue . Quel risque particulier cela peut-il amener pour une structure comme la vôtre ?

Gaetan : Comme on l’a dit tout à l’heure, il n’ y a pas ou très peu de risques financiers. Les risques que nous voyons venir et que nous commençons déjà à remarquer, c’est surtout la perte de lien ou la perte de contact avec les habitants et les habitués. Parce qu’on est en milieu rural et qu’ à la campagne il y a quand même peu d’occasions de partager collectivement des moments festifs.

Anna : Nos événements sont surtout des moments de rencontre. Sur les coteaux de Saussignac où nous sommes, il y a une association de basket (A.S.M.S), une autre qui propose du théâtre (Par Tout Art Tisse). Il y a une association plus axée sur le patrimoine (le CEP) , une autre autour de la lecture (Le Son Des Mots), il y a un café associatif (Au Timbré) qui s’est monté il y a deux ans maintenant … On a un tissu associatif qui est riche et là, depuis mars 2020 on est tous en suspens, à part peut-être le sport qui a pu reprendre un peu, mais pour le reste tout a été très très ralenti ou annulé. Au-delà de ces événements culturels, c’est la vie sociale qui est impactée dans nos campagnes et on sait à quel point ce lien est important et précieux pour toutes les personnes qui peuvent être un peu isolées à la campagne. Le risque pour nous est surtout là. Plus que le risque financier, ou celui de ne pas organiser de concert, c’est cette perte de lien social qui nous fait peur.

Et concernant la suite, ce fameux monde d’après dont on parle beaucoup,à quoi faudrait-il oui ne faudrait-il pas qu’il ressemble selon vous ?

Gaetan : Il faudrait qu’il ressemble au monde d’avant point, en peut-être plus solidaire et c’est ce qu’on essaie de faire avec d’autres associations. En créant des collectifs. C’est ce qu’on fait sur les coteaux de Saussignac. À l’origine, Les Ploucs c’est d’ailleurs  un collectif d’associations. On fait maintenant partie d’un autre collectif qui s’appelle Al’fonce, avec des associations du Pays foyen et du Bergeracois, on essaie de mutualiser, de partager notre savoir-faire nos bénévoles, et nos contacts. C’est important de se sentir soutenu. Le fait d’être tous dans le même bateau. Il faut que ça continue comme ça, qu’on puisse nous aider et nous accompagner un petit peu plus.

Anna : Dans l’idéal, le monde d’après, ce serait pouvoir à nouveau se rassembler et organiser des manifestations pour le plus grand nombre de personnes. On est conscient que ça ne va pas arriver tout de suite, qu’il faut aussi non pas qu’on réinvente les ploucs, mais qu’on trouve peut-être d’autres projets à mettre en place, en gardant l’esprit des ploucs, sous une autre forme. Proposer des événements qui toucheraient moins de personnes en même temps, mais peut-être plus régulièrement. C’est vrai que nous avons « seulement » deux événements sur l’année alors pourquoi ne pas imaginer des événements ponctuels.

Nous étions durant l’été, en plein dans ce questionnement “Et maintenant qu’est-ce qu’on fait”. C’est peut-être, une des premières années où nous avons vraiment pris le temps de réfléchir à ce qu’on pouvait faire pour améliorer l’association.

De ces échanges est venue l’ idée d’améliorer un peu le bien-être des bénévoles, pendant l’installation du festival. On sait depuis quelques années, vu le nombre de festivaliers, que la cuisine est vraiment le pôle central le soir du festival et sur lequel la logistique et l’organisation peuvent être améliorées. De là et dans le cadre de l’appel à projet du budget participatif 2020, lancé par le conseil départemental de la Dordogne, est né un projet de cuisine mobile.

Afin d’améliorer la logistique et de pouvoir nourrir les bénévoles pendant l’installation, mais aussi avec l’idée de pouvoir participer à d’autres événements, car nous sommes souvent sollicités par les associations locales pour tenir un stand de restauration ou autre. Ça nous permet d’envisager l’avenir proche avec de nouvelles pistes. Si nous ne pouvions pas organiser d’événement à grande échelle, on aurait au moins ça pour pour que les Ploucs vivent à l’année.

– Anna Boisvert et Gaëtan Bonnaire pour le Collectif Les Ploucs  –

Interview réalisée le 22/11/2020

par A. Hoppenreys (association Overlook / Le Rocksane)